Le vaporisateur, un bon outil de réduction des risques pour l’usage de cannabis ?

En Suisse, le cannabis riche en CBD et pauvre en THC (concentration inférieure à 1%) est légal et en vente libre. Pour pouvoir atteindre davantage de consommateurs, le marché s’est adapté et propose une palette de produits très diversifiés.

Les kiosques et les commerces en ligne suisses vendent principalement de la fleur de CBD, c’est à dire l’herbe directement dans un sachet. Normalement, cette herbe est consommée en la fumant seule ou avec du tabac, sous forme de joint.

D’ailleurs, il existe aussi des cigarettes avec du CBD, vendues déjà roulées avec du tabac et un filtre. Sous cette forme, la personne qui ne consommait pas de tabac ou qui ne savait pas rouler de cigarettes accède très facilement à la consommation de CBD. Par contre, au-delà de la substance souhaitée, la personne s’expose aussi aux risques liés à l’usage du tabac et aux risques liés à la fumée à haute température, aux substances nocives et pour certaines cancérigènes, dégagées lors de la combustion.

Dans une logique de réduction des risques, il faudrait encourager les usages de cannabis alternatifs à cette consommation par combustion et avec du tabac. Dans le commerce, il est possible d’acquérir des huiles de CBD qui permettent d’être ingérées directement en forme de gouttes. Mais… existe-il d’autres alternatives ?

Cette article abordera la vaporisation de cannabis sous l’angle de la réduction des risques.

Le vaporisateur

Le vaporisateur est un appareil destiné à rendre inhalable, sans combustion, des substances sous forme de vapeur. La vaporisation porte à une température désirée, des plantes émiettées (d’autres substances peuvent être utilisées) pour en faire évaporer la substance active. La température doit être adaptée en fonction de la substance utilisée mais toujours inférieure à celle de la combustion de la cellulose (230°C) pour éviter le dégagement de substances nocives comme les goudrons, le monoxyde de carbone et d’autres agents chimiques nocifs connus.

Ces appareils peuvent se présenter sous diverses déclinaisons. Tout d’abord, il est possible de différencier les vaporisateurs de salon, branchés sur le secteur, des vaporisateurs portables. Les premiers nécessitent d’avoir un accès à une prise de courant et sont donc sédentaires, alors que les seconds disposent d’une batterie. Ils peuvent avoir recours à différentes sources de chaleur pour atteindre la vaporisation : conduction thermique, rayonnement, convection avec ou sans soufflerie.

Le type de source de chaleur, et plus globalement, les matériaux utilisés pour la fabrication du vaporisateur ont une incidence directe sur le coût de l’appareil mais aussi sur la qualité de la vaporisation et de la sécurité de l’utilisateur. Les systèmes les moins onéreux peuvent, sans présenter de déficience, fournir une température fluctuante et trop s’approcher de la température de combustion ce qui peut conduire au dégagement de particules nocives.

La méthode d’inhalation varie aussi en fonction de la source de chaleur. La conduction thermique met en contact les plantes avec le corps de chauffe, la vapeur dégagée est ensuite aspirée à l’aide d’un tube. Un système à rayonnement utilise une ampoule halogène comme source de chaleur ; le procédé d’aspiration reste toutefois le même. La convection sans soufflerie fait passer l’air chaud aspiré par l’utilisateur à travers les plantes broyées. Enfin, dans la convection avec soufflerie, l’appareil va de lui-même faire passer l’air chaud à travers les plantes, il gonfle un sac de qualité alimentaire, résistant à la chaleur. L’utilisateur aspire le contenu du sac, dans un second temps.

La variante portable de ces vaporisateurs est moins encombrante. Elle comprend une batterie permettant d’utiliser l’appareil sans prise de courant. Une chambre au coeur de laquelle les plantes vont être échauffées et un tube rétractable afin d’aspirer la vapeur.

L’usage du vaporisateur

L’utilisation des vaporisateurs est diverse. Ces appareils peuvent servir dans la phytothérapie et l’aromathérapie, ils sont toutefois connus comme un moyen de consommation pour le cannabis.

Pour parler de vaporisation du cannabis, il faut s’attarder quelque peu sur ses différentes formes. Lorsqu’il s’agit de le vaporiser sous sa forme de plante séchée, cela est relativement facile, les appareils étant prévus pour cette usage.

Le cannabis se présente aussi sous forme de résine. Sur les forums spécialisés d’usagers à visée de réduction des risques, de nombreux conseils sont donnés. Deux points semblent ressortir comme primordiaux (1). Premièrement, il faut utiliser des tampons à concentrés. Il s’agit de petits coussinets en acier ou de petits boîtiers à glisser dans la chambre de chauffage. Sans cela la résine fond, se colle aux parois et/ou aux différentes parties exposées, réduit le tirage par obstruction et peut aller jusqu’à endommager le système de chauffage. Deuxièmement, il ne faut utiliser que des produits de meilleure qualité pour la vaporisation. Comme pour les plantes, il faut pouvoir effriter la résine, cela sera plus aisé avec des produits comme du pollen que sur des résines grasses. Il est suggéré de le tailler/concasser à l’aide d’un couteau plutôt que d’avoir recours à la combustion pour l’effriter, afin de limiter l’apport de substances nocives supplémentaires. Compte tenu des difficultés à vaporiser la résine, il est recommandé de n’utiliser que de petites quantitées (0,1 gramme au maximum) et de répéter l’opération si nécessaire.

La clé d’une vaporisation efficace réside dans la température à laquelle est chauffée le produit utilisé.

Les différentes formes du cannabis ont des températures de vaporisation différentes.  Pour sa forme de plante séchée, la température indiquée est comprise entre 180 et 200°C et pour la résine, il est nécessaire de chauffer davantage avec une fourchette qui sera entre 200 et 220°C. La limite maximale étant le point de combustion de la cellulose à 230°C, qui produira un dégagement de substances nocives.

Certains forums et sites spécialisés (2) vont jusqu’à sub-découper ces fourchettes selon l’effet recherché par l’utilisateur. Ainsi, en-dessous des 190°C, la vapeur inhalée a un effet plus psychotrope alors qu’au-dessus la sensation de sédation physique est accrue. Enfin, toutes ces températures sont des limites théoriques, visant l’extraction maximale du principe actif. Si à l’usage, la vapeur est trop chaude ou trop irritante, il est alors recommandé de diminuer la température. Une vapeur trop sèche ou trop chaude va irriter les voies respiratoires et peut conduire au développement de pathologie respiratoire, ce qui est l’effet inverse de celui recherché.

Il est nécessaire de prêter une attention particulière au produit à vaporiser. Une substance acquise au marché noir, n’offre aucune garantie sur les conditions dans lesquelles elle a été cultivée. Il n’est donc pas à exclure que des produits indésirables (produits de coupe / herbicides) puissent être présents et vaporiser durant l’échauffement de la plante.

Enfin, le dernier point relatif à l’utilisation des vaporisateurs est la quantité. Lors de la consommation de cannabis par combustion, la moitié du principe actif est détruit pendant la pyrolyse (3) et en moyenne seuls 23% sont extraits. La fumée inhalée ne contient au final que 12% de principe actif contre 88% de produits toxiques. Lors de la vaporisation, le taux d’extraction du principe actif peut atteindre 80%. Il est préférable en toute circonstance de commencer par de petites quantités et de renouveler l’opération pour éviter un surdosage désagréable et/ou nocif.

Les vaporisateurs n’ont pas été conçus pour servir exclusivement à la vaporisation du cannabis. Cette plante est loin d’être la seule utilisable en vaporisation. Il est possible de trouver des répertoires de plantes, de leur usage ainsi que de la plage de température pour vaporiser leurs principes actifs, sur les sites traitant de ces questions. Une occasion de  revenir aux origines de la fumigation déjà connue, chez les Scythes, 450 av. J.-C.

A titre d’exemple, voici un extrait d’un tableau (4).

Clou de girofle : 123º C : antiseptiqueLavande : 130ºC : calmant, anti-migraineux, stimulant, antiseptique.
Eucalyptus : 130º C : antiseptique des bronches, digestif, apéritif.Menthe verte : 140°C : stimulant de l’appareil digestif, tonique, excitant, antispasmodique, analgésique.
Tabac : 140°C : DANGEREUX, tonique, reposant.Houblon : 160ºC : tonique et stimulant de la digestion, diurétique.
Verveine : 170°C : apéritive, digestive.Romarin : 170°C : stimulant et tonique du système sanguin, antioxydant.
Aloe vera : 183ºC : tonique a petite dose ou purgatif à haute dose, préconisé contre la constipation.Thym : 190ºC : tonique et antispasmodique des voies digestives.
Camomille : 190º C : apéritive et digestive.Sauge : 190ºC : tonique des voies digestives et du système nerveux.

Bénéfices / Inconvénients

Les bénéfices de la vaporisation par rapport à la combustion sont en partie dus au changement de mode de consommation. A lui seul, il permet d’éviter toutes les substances chimiques liées à la combustion, ainsi que l’exposition au tabac. Certains sites quantifient la diminution de l’exposition à 95% des toxiques comparativement à la combustion. Malheureusement, aucun de ses sites n’est en mesure de nommer une étude qui vient appuyer un tel nombre. Il reste qu’en l’absence de combustion et sans adjonction de tabac, une grande partie des substances connues comme nocives sont absentes de la vapeur aspirée, sans confirmer une valeur aussi élevée, il est possible d’accepter que ce mode d’absorption soit nettement moins nocif. De plus, la biodisponibilité largement supérieure en vaporisation représente une nette diminution des coûts et si l’utilisateur le souhaite une diminution de la consommation par fractionnement.

Les inconvénients sont davantage liés aux aspects pratiques. Les appareils actuellement sur le marché sont soit sédentaires et ne peuvent accompagner le consommateur partout ; soit portatif au prix d’une batterie dont la charge n’est pas illimitée et qui peut peser son poids. Même ces derniers conservent un encombrement conséquent, à titre d’exemple, l’un des vaporisateur portable les plus connus a des dimensions de 14 cm x 8 cm x 3 cm pour un poids de 230 grammes. Cet encombrement n’a rien d’exceptionnel, mais dans un contexte de mobilité, il est à comparer à son équivalent combustible qui tient entre deux doigts. Sur les forums d’autres désavantages sont évoqués autour des rituels liés à la préparation et au roulage du joint et à l’aspect “social”. Au cours d’une soirée, il est moins dérangeant de partager un joint qui va passer de lèvres en lèvres avant d’être jeté, qu’un appareil valant quelques centaines d’euros et qu’il serait souhaitable de pouvoir ramener chez soi.

Conclusion

Du point de vue de la réduction des risques, la consommation de cannabis par vaporisation présente de nombreux avantages. Elle représente une diminution notable de l’exposition à de nombreuses substances nocives pour la santé. Le cas échéant, pour un non-fumeur qui n’aurait à faire au tabac que dans le cadre de la consommation de cannabis, il serait possible de ne plus s’exposer du tout. Pour autant, la transition demande un cheminement de l’utilisateur. Il lui est nécessaire de se détacher de l’objet et des rituels qui y sont rattachés, afin de pouvoir accepter de consommer différemment.

Bibliographie

(1) : https://www.cannavapos.fr/vaporiser-resine-shit-hasch/
(2) : https://www.vaporisateur-cannabis.net/temperatures/
(3) : https://www.norml.fr/sante-prevention-rdr/combustion-contre-vaporisation/
(4) : https://www.norml.fr/sante-prevention-rdr/combustion-contre-vaporisation/