Quand nous accueillons des personnes vivant avec des troubles psychiques, il arrive
souvent que nous les invitions à « travailler sur eux ».
Cette phrase un peu
galvaudée, laisse sous-entendre que ces personnes souvent fatiguées de la cruelle
expérience du monde seraient dénuées de ressources et d’idées sur leur mieux-être.
Condamnées
aux travaux sur soi « forcés » afin de tenter désespérément d’atteindre une norme vécue
le plus souvent comme inatteignable et aliénante, nous les voyons peiner pour tenter de
vivre mieux et nous rapporter, au détour d’une séance de psychothérapie ou d’une
hospitalisation, les fruits de leur travail et de leurs efforts.
Du travail sur soi
au souvenir du travail à l’asile comme outil de santé, il n’y a qu’un pas que mon esprit
vagabond ne peut s’empêcher de franchir.
L’autre jour, au détour d’une suite d’articles, j’ai (un peu) rencontré Hannah
Arendt.
Cette philosophe différencie le travail de l’œuvre.
Le travail est
répétitif, sans fin et cyclique. Il est associé à la peine, aux tourments du corps et à
la routine professionnelle. Elle lui oppose l’œuvre, qui est création, temporalité et
finalité. La création invite en elle la vie et la conscience.
Au-delà du travail sur soi, je me surprends à observer chez mes patients, mes proches, et moi-même les vagues puissantes de l’urgente nécessité de faire œuvre de sa vie.