Le cadre

Un corridor dans l’hôpital psychiatrique, des patients en surnombre, de l’agitation, la fatigue sur les visages, trop de souffrance … « Il faut lui mettre le cadre, il faut le cadrer… » s’exprime entre impuissance, désespoir et colère le soignant dépassé par l’agir du patient…

Cette phrase souvent entendue, souvent prononcée est un raccourci de langage qui reflète une volonté de reprendre le pouvoir, histoire de rappeler qu’à l’hôpital, ce sont les règles de bon fonctionnement qui priment sur le sens du comportement qui est langage à décrypter : bref, une épreuve de force en réaction aux troubles de comportement des patients remuants afin de les rendre plus conformes au fonctionnement du dispositif psychiatrique.

Ceci peut laisser songeur.

La structure sensée accueillir l’individu dans sa souffrance, alors qu’il est estimé ne plus pouvoir faire face à son environnement habituel, exige de lui un comportement qui lui permet de s’adapter sans sourciller aux multiples règles du dispositif. Dispositif vu tel un appareil permettant de visser les faiseurs de troubles comme une clef anglaise permettrait de visser les écrous.

Ce cadre « redresseur » renvoie aux méthodes de contraintes qui ont été associées à l’asile au siècle des lumières, à un malade envahi par la folie au point où il ne peut être raisonné autrement que par un choc salutaire.

Il et bien évident que je ne m’adresse pas ici à un cadre incarné qui favorise le jeu de la relation thérapeutique, cadre qui fait sens et contenant et permet la rencontre. Un cadre qui favorise l’intégration dans le milieu social. Qui part de la conviction que « le fou » pourrait ne pas être totalement envahi par sa folie mais garder une partie de lui susceptible d’échanger de façon responsable.

Alors ? Je vais lui mettre le cadre, je vais le cadrer, je peux pas l’encadrer, le cadre de la fenêtre, la fenêtre est ouverte….ohhhhhh! L’oiseau s’est envolé… (cf. la fugue)